Les douleurs aux relations sexuelles, connues sous le terme de «dyspareunie», sont fréquentes chez les femmes. Ce sont environ un tiers des femmes qui en souffrent, à un degré ou à un autre. Par contre, chez les femmes qui viennent d’accoucher, cette statistique est beaucoup plus élevée : jusqu’à 62% ont de la dyspareunie à 3 mois post-partum et 45% à 6 mois post-partum. Qu’est-ce qui explique cette douleur? Si elle est si fréquente, est-elle normale? Voici un petit survol de cette problématique très répandue, mais trop souvent minimisée!
Causes
Il y a plusieurs causes à la dyspareunie en période post-partum : la cicatrice, des tensions musculaires, une atteinte d’un nerf, etc. Selon la cause, la douleur peut prendre différentes formes : douleur plus ou moins élevée, présente juste à la pénétration ou à d’autres moments également, région douloureuse plus ou moins étendue…
Bref, selon la cause et la gravité de celle-ci, le traitement ne sera pas le même. Il est donc important de bien cibler le problème pour bien l’adresser. Et mettons une chose au clair tout de suite : toute douleur qui persiste et ne s’améliore pas ou est assez élevée pour empêcher les relations sexuelles n’est pas normale!
C’est une chose d’avoir une douleur à 8 semaines post-partum lors de la première reprise des relations sexuelles après une déchirure de grade IV, c’en est une autre quand la douleur dure depuis 6 mois! Voici donc les causes principales de douleur expliquées plus en détail, pour vous aider à cibler si ce que vous vivez est normal ou non :
Cicatrice
C’est l’une des premières suspectes en ce qui a trait aux douleurs aux relations sexuelles post-partum. La cause est relativement simple : la peau (et parfois les muscles, selon le degré de la déchirure) qui ont déchiré ont été suturés, et la cicatrice qui en résulte est adhérente et raide. Il y a donc une douleur à la pénétration, car les tissus ne sont pas aussi élastiques qu’ils l’étaient avant. La douleur est souvent décrite comme une sensation de déchirure, de brûlure, d’étirement intense ou une sensation d’avoir été «recousue trop serrée».
La douleur est localisée au site de la cicatrice (donc surtout à l’entrée vaginale, parfois à l’intérieur du vagin et parfois vers l’anus, selon la localisation de la cicatrice) et n’a pas tendance à irradier vers le ventre ou les jambes. C’est normal que la cicatrice soit douloureuse au départ, car il faut un certain temps aux tissus pour s’assouplir et retrouver leur mobilité.
Cette douleur ne devrait pas être assez élevée pour empêcher les relations sexuelles et devrait s’estomper avec les essais. Selon le grade de la déchirure, elle peut durer plus ou moins longtemps (de quelques semaines à quelques mois). Pour améliorer la vitesse de récupération, les cicatrices doivent être massées pour retrouver leur élasticité.
Différentes techniques de massage existent, qui peuvent être débutées autour de 4 à 6 semaines après l’accouchement. Voici 3 exemples de techniques de massage de cicatrice : faire une pression sur la cicatrice pour l’étirer, faire de petits mouvements circulaires sur celle-ci ou la «pincer» entre le pouce (à l’intérieur du vagin) et l’index (à l’extérieur du vagin) et faire de petits ronds entre les doigts.
On évite de causer trop de douleur en massant la cicatrice : on ne veut pas traiter la douleur dans la région vaginale en en causant encore plus! On évite également de la masser trop tôt : tous les points doivent être fondus et il ne doit pas y avoir d’infection. Dans le doute, votre physiothérapeute spécialisée en rééducation périnéale et pelvienne l’évaluera et vous démontrera les différentes techniques de massage!
Tensions musculaires
Une autre cause de douleur fréquente après un accouchement. Le plancher pelvien, qui est un ensemble de muscles situé au bas du bassin, est mis à rude épreuve pendant la grossesse et l’accouchement. La pression du bébé sur les fibres musculaires les étire et les affaiblit, et l’accouchement en tant que tel a aussi un bon impact sur celles-ci. Chez certaines personnes, le plancher pelvien peut réagir en étant «hyperactif» : il devient alors tendu, et ces tensions sont douloureuses lors des relations sexuelles.
Les douleurs musculaires sont souvent plus profondes que la douleur reliée à la cicatrice et elles peuvent parfois irradier vers l’abdomen ou les fesses. Dans certains cas, si le plancher pelvien est très tendu, il peut diminuer l’ouverture vaginale et rendre la pénétration difficile. Cette douleur peut être traitée avec des exercices de relâchement : respiration diaphragmatique, yoga (par exemple, la position de l’enfant ou celle du bébé heureux), dilatateurs… Par contre, il est important de l’évaluer adéquatement pour en cibler la cause.
Si le plancher pelvien demeure tendu à cause d’un mauvais fonctionnement, le simple fait de l’étirer et de le relâcher ne règlera pas le problème. Il faudra aussi s’assurer de renforcer les muscles pour qu’ils retrouvent une fonction adéquate. Votre physiothérapeute vous donnera une liste d’exercices appropriés selon son évaluation : elle vous expliquera quels exercices de renforcement sont pertinents, vous aidera à prendre conscience de comment relâcher le plancher pelvien correctement et vous guidera dans l’utilisation des dilatateurs avec un protocole précis. Elle pourra aussi faire des techniques manuelles pour aider au relâchement du plancher pelvien, si nécessaire.
Atteinte d’un nerf
Pendant l’accouchement, les tissus et les nerfs sont étirés sous la pression de la poussée et du passage de bébé. Le nerf pudendal, qui innerve toute la région du périnée, peut être atteint de cette façon. S’il y a eu trop de traction sur le nerf, qu’il a été trop étiré, il peut avoir été endommagé. La douleur ressentie peut alors se situer sur n’importe quelle partie du territoire du nerf, soit toute la région des organes génitaux (clitoris, grandes lèvres, vagin, périnée, anus).
La douleur risque d’être ressentie d’un seul côté, car il y un nerf pudendal à gauche et un autre à droite. Il serait étonnant que les 2 côtés soient atteints, mais pas impossible! La douleur est caractéristique d’une atteinte d’un nerf : une sensation de brûlure, qui peut s’accompagner d’engourdissements, de picotements ou de chocs électriques. Il peut y avoir aussi d’autres symptômes connexes, comme une sensation de corps étranger au niveau vaginal ou rectal. La douleur a tendance à augmenter en position assise et diminuer en position debout. Les relations sexuelles risquent aussi d’augmenter la douleur.
Normalement, ce type de problème se résorbe d’emblée dans les semaines suivant l’accouchement, le temps que le nerf guérisse. Par contre, si la douleur persiste, des exercices ciblés pourront aider à la diminuer! Une atteinte au nerf pudendal peut être une problématique plus complexe ; il faudra trouver la cause de la persistance de la douleur pour bien la traiter.
Votre physiothérapeute pourra vous donner une meilleure idée de quels exercices sont pertinents lorsqu’elle aura fait son évaluation! Selon la cause du problème, elle pourra également faire des techniques manuelles de relâchement musculaires, de mobilité neurale, etc.
Hormones
Après l’accouchement, et particulièrement avec l’allaitement, les taux d’oestrogène et de progestérone diminuent. C’est le même phénomène qui survient à la ménopause. Ceci amène son lot de problématiques : effet sur l’humeur, perte des cheveux, etc. Mais il y a aussi un effet direct sur la vulve et le vagin! La baisse d’oestrogène crée une diminution de l’élasticité des tissus de la vulve et du vagin, une fragilité de ces tissus, de la sécheresse et une diminution de la lubrification.
Le tout peut donc être une cause de douleur lors de la reprise des relations sexuelles. La douleur est souvent ressentie sous forme de sécheresse ou d’irritation, plus souvent à l’entrée vaginale, mais elle peut aussi être profonde. La bonne nouvelle est que les taux d’hormones vont se normaliser seuls avec le temps et avec l’arrêt de l’allaitement. Cette douleur est donc passagère, mais peut tout de même durer plusieurs mois.
Pour améliorer la situation, l’utilisation d’un lubrifiant est recommandée, idéalement un lubrifiant à base de silicone. Les lubrifiants à base de silicone restent en place beaucoup plus longtemps que ceux à base d’eau, qui sont absorbés rapidement par les muqueuses vaginales. Un hydratant vaginal, utilisé 2 fois par semaine, peut aussi soulager les symptômes. Pour certaines femmes, une crème oestrogénique peut également être prescrite par un médecin. Dans tous les cas, votre physiothérapeute pourra vous recommander le produit qui est le plus adapté à votre situation.
Et le côté psycho dans tout ça?
Pour certaines femmes, l’accouchement est perçu comme un événement traumatisant. Pour d’autres, la cicatrice et le fait que la région périnéale ait changé suite à l’accouchement peuvent créer un blocage, une certaine «déconnexion» de la région. Et pour les femmes qui ont de la dyspareunie, de l’appréhension et du stress peuvent s’installer et limiter encore plus la reprise des relations sexuelles. Tout ça a un impact sur l’estime de soi, le couple… Ces facteurs peuvent alors entretenir le problème ; le côté psychologique ne doit pas être négligé. Une consultation en sexologie est alors fortement recommandée!
Conclusion
Peu importe la cause de la douleur aux relations sexuelles après un accouchement, une physiothérapeute experte en rééducation périnéale et pelvienne pourra vous aider! Elle évaluera la situation, ciblera la cause du problème et vous guidera pour vous permettre d’améliorer cet aspect important de la vie. Que ce soit via des exercices à faire à la maison ou des techniques réalisées en clinique, elle aura à cœur de vous permettre de reprendre une vie sexuelle satisfaisante!
Conseils généraux
Voici quelques conseils plus généraux pour vous aider à mieux gérer la douleur, quelle que soit sa cause :
- Évitez tout ce qui peut être irritant pour la région vulvaire : savons parfumés, douches vaginales, sous-vêtements de style string ou tanga, papier de toilette coloré ou recyclé…
- Ne restez pas dans des sous-vêtements ou un maillot humide ; l’humidité est irritante.
- Ne portez pas de pantalon ou de jeans trop serrés.
- Ne portez pas de sous-vêtements la nuit.
- Utilisez un lubrifiant lors des relations sexuelles. Favorisez un lubrifiant qui n’est pas irritant, tel le Good Clean Love, le Floravi ou le Yes. Si vous souffrez de sécheresse vaginale, un lubrifiant à base de silicone est alors recommandé, tel le Uberlube.
- Essuyez-vous toujours de l’avant vers l’arrière après avoir uriné.
- Au besoin, lavez vos sous-vêtements séparément et avec un savon doux. Utilisez moins de savon que ce qui est recommandé par le fabricant (la moitié ou le tiers) et évitez l’assouplissant ou l’eau de javel.
- Allez uriner après chaque relation sexuelle.
- Coupez les poils pubiens au lieu de les raser complètement.